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POÉSIES DIVERSES.

Voit des Alpes au loin resplendir les glaçons.
Deux fleuves, en fuyant, dans leurs eaux réfléchissent
Une antique Cité que les arts enrichissent.
Quel contraste ! en ces champs peuplés d’heureux troupeaux,
Des cruels Triumvirs ont flotté les drapeaux[1].
Là, fut placé leur camp ; là, des vierges modestes
D’un palais des Césars foulent en paix les restes.
Ces débris sont leur temple, et leurs pieuses mains
Cultivent quelques fleurs sur des tombeaux romains.
De Jupiter couché sur son aigle brisée,
La Croix fit taire ici la foudre méprisée,
Mais tout change ; et, du haut de cette auguste tour,
La Croix qui la soumit va tomber à son tour[2].
Ici, plus d’une fois, rêva l’auteur d’Émile,
Et cet autre écarté fut, dit-on, son asile.
Ami de la nature, il aimait ces beaux lieux.
Qui peindra ces tableaux qu’ont admirés ses yeux ?
Pour Delille ou Vernet qu’ils seraient favorables !
Jadis la Poésie, au siècle heureux des fables,
Eût dit qu’en ces vallons, dans le mois des amours,
Les Nymphes, à dessein reprenant leurs atours,
De la Saône à mes pieds par le Rhône entraînée,
Viennent orner le lit, et fêter l’hyménée.

 Viens aussi, ce sujet est digne de tes chants.
Ta voix qu’instruisit Pope en tes plus jeunes ans,

  1. Il parle des anciens triumvirs ; on était à la veille des nouveaux.
  2. Il s’agit d’un couvent de la Visitation qu’on allait démolir.