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VARIANTES.

ans : il ne fallait que jeter les yeux sur un terrain cultivé par quelque pâtre un peu intelligent. J’ai cependant lu Chambers, Whalhely, M. Morel et plusieurs autres ; j’ai même eu la patience de finir trois volumes in-4o d’un Allemand, professeur des beaux-arts, nommé Hirschfeld. Il ne fait que répéter longuement ceux qui l’ont précédé. Ou verra les principales raisons qui engagent à rejeter les méthodes de ces différents auteurs, dans une note sur Ermenonville, à la suite de ce poëme.

Ce qui paraît le plus remarquable dans M. Hirschfeld, c’est ce qu’il dit du sol de la France : il prétend que ce beau royaume est presque dépourvu de sites intéressants, et que rien n’est plus triste que le coup d’œil de nos campagnes. Ainsi un voyageur anglais, M. Smolett, n’a trouvé aucun édifice, aucune ville, aucune femme supportables dans notre patrie. En faveur de M. Hirschfeld, il était nécessaire d’insister sur le grand nombre de riches perspectives qu’offrent nos province, et même les environs de Paris. Elles valent bien, je crois, les paysages de la Norwège et du Groënland, pour lesquels M. Hirschfeld montre une prédilection toute particulière. Au reste, si l’on veut connaître le bon goût de ce professeur des beaux-arts, on peut consulter son article sur le verger : il conseille, pour l’animer et l’embellir, d’y transporter un étang bourbeux habité par des grenouilles. Leur cri mélodieux lui paraît très favorable aux Rêveries extatiques dont il parle souvent, ainsi que ses compatriotes, dans leurs descriptions choisies de la nature. Remarquons que M. Hirschfeld a d’ailleurs été fort loué dans nos journaux, comme M. Lessing, autre Allemand, qui trouve Corneille sans génie, et Sémiramis et Mahomet des ouvrages ridicules.

Parmi toutes les causes qui diminuent la considération nationale. il faut compter peut-être la légèreté inconséquente avec laquelle nous accueillons toutes les bizarreries de nos voisins. Jadis ils adoptaient nos théâtres, nos jardins, nos modes, et jusqu’à nos ridicules même ; aujourd’hui nous secondons de foules nos forces cette espèce de sou-