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M. DE FONTANES

Mais au moment où il reportait son regard vers l’idéal avenir, les orages s’amoncelaient et ne laissaient plus d’horizon. Fontanes se maria à Lyon en 92. Cette union, dans laquelle il devait constamment trouver tant de vertu, de dévouement et de mérite, fut presque aussitôt entourée des plus affreuses images ! Le siége de Lyon commença. Madame de Fontanes accoucha de son premier enfant dans une grange, au moment où elle fuyait les horreurs de l’incendie. Les bombes des assiégeants tombaient souvent près du berceau, que le père dut plus d’une fois changer de place. Il revint à Paris en novembre 93, pour y vivre oublié, lorsque les députés de Lyon, de Commune-affranchie, chargés de dénoncer à la Convention de Robespierre les horreurs de Collot-d’Herbois qui avait fait regretter Couthon, lui vinrent demander d’écrire leur discours. Il l’écrivit dans la matinée du 20 décembre ; le brave Changeux le lut le jour même à la barre d’une voix sonore.

L’effet sur la Convention fut grand. On a comparé cet énergique langage à celui du paysan du Danube en plein sénat romain. L’art pourtant, qui se dérobait, y était d’autant moins étranger. Fontanes avait adroitement emprunté et prodigué les formes sacramentelles du jour : « Une grande commune a mérité l’indignation nationale : mais qu’avec l’aveu de ses égarements, vous parvienne aussi l’expression de ses douleurs et de son repentir ! Ce repentir est vrai, profond, unanime ; il a devancé le moment de la chute des traitres qui nous ont égarés. » Mais toute cette phraséologie obligée de peuple magnanime et de traîtres n’était qu’une précaution oratoire pour amener la Convention à entendre face à face ceci :

« Les premiers députés (après le siége de Lyon) avaient pris un arrêté, à la fois juste, ferme et humain : ils avaient ordonné que les chefs conspirateurs perdissent seuls la tête, et qu’à cet effet on instituât deux commissions qui, en observant les formes, sauraient distinguer le conspirateur du malheureux qu’avaient entrainé l’aveuglement, l’ignorance