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M. DE FONTANES

et pathétique surprise. Garat eut le bon goût de deviner et la légèreté de nommer Fontanes[1].

Celui-ci ne fut pas arrêté, ou du moins il ne le fut que durant trois fois vingt-quatre heures, et par mégarde, comme s’étant trouvé dans la voiture de M. de Langeac, son ami, à qui on en voulait. Il put obtenir d’être relâche avant qu’on insistât sur son nom. Il quitta Paris et passa le reste de la terreur caché à Sevran, près de Livry, chez Mme Dufrenoy, et aussi aux Andelys, qu’il revit alors, comme nous l’attestent les vers touchants, et un peu faibles, de son Vieux Château.

Dans ce petit poëme et dans quelques autres pièces qui le suivent en date, comme les Pyrénées, le style de M. de Fontanes, il faut le dire, se détend sensiblement, ne se tient plus à cette ferme hauteur qu’avait marquée l’Essai sur l’Astronomie. La facilité fâcheuse du xviiie siècle l’emporte. Chaque manière (même la bonne, la meilleure, si l’on veut) est voisine d’un défaut. Quand les poëtes de l’école classique n’y prennent garde, ils deviennent aisément prosaïques et languissants comme les autres de l’école contraire tendent très vite, s’ils ne se soignent, au boursouflé, au bigarré, ou à l’obscur. L’Art poétique de Boileau, bien autrement poétique par l’exécution que par les préceptes, les préceptes et la pratique courante de Voltaire, à force de soumettre la poésie à la même raison que la prose et au pur bon sens, allaient à remplacer l’inspiration et l’expression poétique par ce qui n’en doit être que la garantie et la limite. On s’est jeté aujourd’hui dans un excès tout contraire, et l’image tient le dez du style poétique, comme c’était la raison précédemment. Mais ni la raison, à proprement parler, ni l’image, en ceci, ne doivent régir. L’expression en poésie doit être incessamment produite par l’idée actuelle, soumise à l’harmonie de

  1. Il le nomma au sein du comité de sûreté générale. — On peut voir, au tome XXX de l’Histoire parlementaire de la Révolution française, pages 381, 382, 392 et suivantes, les détails des deux séances de la Convention, 20 et 21 décembre, et la discussion du chiffre vrai des mitraillés.