Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
DISCOURS

sonnement vigoureux qui poursuit une idée jusque dans ses derniers résultats, et ne l’abandonne qu’après l’avoir forcée de donner tout ce qu’elle contient ? On conçoit l’éloquence de Bossuet, empruntant à la poésie de riches images, et ce ton de l’homme inspiré qui, placé entre le ciel et la terre, veut émouvoir un grand peuple. Quelques orateurs ont osé suivre de loin, imiter Bossuet : qui tentera d’imiter Pascal ? Son style ne ressemble à celui d’aucun écrivain ancien ou moderne ; et, chose étonnante, il est peut-être le seul génie original que le goût n’ait presque jamais le droit de reprendre : non qu’il semble chercher la correction et la pureté ; mais ses idées lui obéissent si bien, qu’elles se manifestent nécessairement sous les formes qui leur conviennent le mieux.

Les chapitres tant admirés de la grandeur, de la faiblesse, de la vanité de l’homme, se retrouvent dans les vers de Pope ; mais il arrive à des conséquences bien différentes de son modèle. Le solitaire de Port-Royal ne veut qu’attrister et terrasser l’homme ; il n’est propre qu’à former des misanthropes et des cénobites. Le poëte anglais, en dirigeant les mêmes idées vers un autre but, nous console et nous rapproche de nos semblables : il semble qu’il se soit servi du génie de Pascal avec l’âme de Fénelon. Les conséquences de l’épître que je viens d’analyser se développent encore d’une manière plus touchante et plus utile dans la troisième, où l’homme est envisagé comme un être social.