Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
ŒUVRES DE FONTANES.

dame de Staël. Mais la place de chaque sexe n’était point alors confondue ; tous deux connaissaient leurs devoirs et s’y conformaient. Bien loin que cette remontrance de Télémaque prouve que les fils ne respectaient pas leurs mères, elle atteste qu’ils étaient près à les défendre au moindre outrage ; car Télémaque, encore très jeune, brave déjà toutes les menaces des prétendants. La réponse même de Pénélope réfute suffisamment cette critique ; elle admire la sagesse de son fils. Une femme de nos temps modernes ne ressemble pas sans doute à la femme d’Ulysse. Mais Fénelon, Racine, Pope, Addison, et beaucoup d’autres, aimaient cette simplicité, qui n’est point contraire aux affections du cœur, puisque Homère a peint sous des traits fort touchants celle de Télémaque pour sa mère. On trouve encore dans quelques contrées un reste de ces mœurs primitives, et ce n’est point là qu’on remarque le moins de force et de vivacité dans les mouvements de la nature.

Ces Grecs qu’on accuse de n’être point assez sensibles, parce qu’ils n’étaient point assez philosophes, ont donné les plus beaux modèles de l’amour filial et fraternel dans Antigone, de l’amour conjugal dans Pénélope et dans Alceste. Les cris les plus pathétiques qu’ait encore fait entendre l’amour maternel, sont sortis du cœur des Mérope, des Clytemnestre et des Andromaque. En un mot, ce peuple était si susceptible d’attendrissement, que, malgré son amour extrême pour la liberté et sa haine pour la monarchie, il respectait, il déplorait l’infortune jusque sur le trône