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DISCOURS

puissance du poëte qui sut réveiller des sentiments vrais, émouvoir l’imagination et le cœur ; car le fond de l’homme ne peut jamais changer.

L’auteur anglais continue de suivre les progrès de la société : il décrit les mœurs du genre humain naissant. Les arts se forment ; au gouvernement domestique succède le gouvernement d’un seul, que suit bientôt la tyrannie. Les principes se confondent ; l’amour-propre désordonné vent tout envahir. Les excès de la corruption ramènent aux premières lois de la morale. Chacun fait le sacrifice d’une partie de sa liberté pour conserver l’autre. L’amour-propre, jugeant qu’il ne peut être heureux seul, cherche son bonheur dans le bonheur d’autrui. L’amour social naît donc de l’amour-propre ; et ces deux amours s’unissent pour le bonheur du monde.

Il me semble que le plan de cette épitre est le plus heureux : les pensées, les sentiments et les images s’y succèdent et s’y mêlent habilement : ce n’est que par le choix et la variété des tableaux, par la perfection des détails, et surtout par le secret si peu connu de renfermer dans un cadre étroit une multitude d’idées et de sensations, qu’on peut suppléer au défaut d’action du poème didactique. Il faut souvent animer la monotonie de la marche par des mouvements imprévus et pourtant naturels, qu’il ne faut pas confondre avec ces apostrophes entassées sans choix et sans mesure, ces secousses fatigantes, ces passages brusques d’un ton à un autre, ces cris exagérés d’un homme en délire, dont les mauvais écrivains cou-