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DU GÉNIE DU CHRISTIANISME.

Et pedibus prætentat iter suspensa timore.
 Explorat cæcas cui manus ante vias.

Ce petit tableau est achevé ; mais le culte de la chaste Cérès est déjà bien loin. Quand Tibulle écrivait ces vers, Délie sortait vraisemblablement de sa retraite pieuse et revenait auprès de lui. Le poëte au moins se hâte de faire descendre la troupe des Songes, et le Sommeil avec ses ailes rembrunies :

Postque venit tacitus fuscis circumdatus alis
 Somnus, et incerto somnia nigra pede.

Nous avons vu les jeux de l’imagination de Tibulle ; voyons maintenant les graves tableaux du christianisme, et jugeons s’ils n’ont pas aussi leur charme particulier :

« La cloche du hameau s’étant fait entendre, les villageois quittent à l’instant leurs travaux. Le vigneron descend de la colline, le laboureur accourt de la plaine, le bûcheron sort de la forêt. Les mères, fermant leurs cabanes, arrivent avec leurs enfants, et les jeunes filles laissent leurs fuseaux, leurs brebis, et les fontaines, pour se rendre à la pompe rustique. On s’assemble dans le cimetière de la paroisse sur les tombes verdoyantes des aïeux. Bientôt s’avance du lieu voisin tout le clergé destiné à la cérémonie ; c’est quelque vieux pasteur qui n’est connu que par le nom de curé, et ce nom vénérable, dans lequel est venu se perdre le sien, indique moins le ministre du temple que le père laborieux du troupeau. Il sort de son presbytère bâti tout auprès de la demeure des morts, dont il surveille la cendre. Il est établi dans sa demeure, comme une garde avancée aux frontières de la vie, pour recevoir ceux qui entrent, et ceux qui sortent de ce royaume des douleurs. Un puits, des peupliers, une vigne autour de sa fenêtre, quelques colombes composent tout l’héritage de ce roi des sacrifices.

« Cependant l’apôtre de l’Évangile, couvert d’un simple surplis assemble ses ouailles devant la grande porte de l’église.....