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ŒUVRES DE FONTANES.

que lui donne Virgile, la veuve d’Hector ne parait point assez justifiée à J.-B. Rousseau, qui la cite auprès de la matrone d’Éphèse, dans une ode charmante :

Andromaque, en moins d’un lustre,
Remplaça deux fois Hector.


Racine s’est bien gardé de suivre en tout les traditions connues. Chez lui Andromaque ressemble précisément à ces veuves des premiers siècles chrétiens, où l’idée d’un second mariage eût semblé profane, et presque coupable, à ces Paule et à ces Marcelle, qui, retirées dans un cloître, indifférentes à tous les spectacles du monde, et toujours vêtues de deuil, ne regardaient plus que le tombeau de l’époux à qui elles avaient promis leur foi, et le Ciel où leurs premiers nœuds devaient se rejoindre éternellement. Il est donc vrai que le caractère de la veuve d’Hector, en prenant les couleurs sévères du christianisme, devient plus pur et plus touchant que dans l’antiquité même.

Sous l’empire d’une religion qui commande au désir tant de sacrifices, il doit y avoir plus de luttes entre le devoir et les passions. Dès lors, le génie qui les observe saura peindre avec des traits plus déchirants les combats du cœur, ses faiblesses et ses remords. Ainsi donc, à génie égal, un poëte élevé, comme Racine, dans la plus sévère école du christianisme, peindra le repentir de Phèdre criminelle, avec une énergie que ne peuvent inspirer les dogmes d’une religion