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DU GÉNIE DU CHRISTIANISME.

damment de tous les autres mérites de Fénelon.

On peut conclure de ces réflexions, que, dans le merveilleux de l’épopée, tous les avantages poétiques sont en faveur des fables anciennes, puisqu’elles sont toujours plus riantes que le christianisme, et peu veut quelquefois être aussi graves que lui.

M. de Châteaubriand fait encore d’autres reproches à la mythologie, et l’on ne dira pas qu’il la condamne par défaut d’imagination, car il en prodigue toutes les richesses dans le morceau suivant :

« Le plus grand et le premier vice de la mythologie était d’abord de rapetisser la nature et d’en bannir la vérité. Une preuve incontestable de ce fait, c’est que la poésie que nous appelons descriptive a été inconnue de toute l’antiquité ; les poëtes même qui ont chanté la nature, comme Hésiode, Théocrite et Virgile, n’en ont point fait de description dans le sens que nous attachons à ce mot. Ils nous ont laissé sans doute d’admirables peintures dis travaux, des mœurs et du bonheur de la vie rustique ; mais quant à ces tableaux des campagnes, des saisons, des accidents du ciel, qui ont enrichi la muse moderne, on en trouve à peine quelques traits dans leurs écrits.

« Il est vrai que ce peu de traits est excellent comme le reste de leurs ouvrages. Quand Homère a décrit la grotte du Cyclope, il ne l’a pas tapissée de lilas et de roses ; il y a planté, comme Théocrite, des lauriers et de longs pins. Dans les jardins d’Alcinoüs, il fait couler des fontaines et fleurir des arbres utiles. Il parle ailleurs de la colline battue des vents et couverte de figuiers, et il représente la fumée des palais de Circé s’élevant au-dessus d’une forêt de chênes.

« Virgile a mis la même vérité dans ses peintures. Il donne au pin l’épithète d’harmonieux, parce qu’en effet le pin à une sorte de doux gémissement, quand il est faiblement agité. Les nuages, dans les Géorgiques, sont comparés à des flocons de laine roulés par les vents, et les hirondelles, dans l’Énéide, gazouillent sous le chaume du roi Evandre, ou rasent les portiques des palais. Horace, Ti-