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Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/270

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SUR THOMAS.

propres à l’Académie des sciences qu’à l’Académie française. Thomas n’avait point oublié cette critique, et même il en parlait de temps en temps avec quelque humeur. Mais, quand, à la séance publique, on entendit ce passage de son exorde : C’est aux pieds de la statue de Newton qu’il faudrait prononcer l’éloge de Descartes, la salle retentit d’acclamations, et le public cassa le jugement de d’Olivet et de Le Batteux. Le public eut raison, car cet éloge respire l’enthousiasme de la gloire. Le tableau des persécutions éprouvées par Descartes offre, ce me semble, des traits admirables. Tels sont ceux-ci, par exemple :

« Avec ses sentiments, son génie et sa gloire, il dut trouver l’envie à Stockholm comme il l’avait trouvée à Utrecht, à La Haye et dans Amsterdam. L’envie le suivait de ville en ville, et de climat en climat. Elle avait franchi les mers avec lui ; elle ne cessa de le poursuivre que lorsqu’elle vit entre elle et lui un tombeau. Alors elle sourit un moment sur sa tombe, et courut dans Paris où la renommée lui dénonçait Corneille et Turenne.

« Hommes de génie, de quelque pays que vous soyez, voilà votre sort. Les malheurs, les persécutions, les injustices, le mépris des cours, l’indifférence du peuple, les calomnies de vos rivaux ou de ceux qui croiront l’être, l’indigence, l’exil, et peut-être une mort obscure, à cinq cents lieues de votre patrie ; voilà ce que je vous annonce. Faut-il pour cela que vous renonciez à éclairer les hommes ? Non, sans doute ; et, quand vous le voudriez, en êtes-vous les maîtres ? etc., etc.. »


Ce ton est très noble et très élevé ; mais, quand il est toujours le même, il fatigue bientôt ceux qui l’admirent le plus. L’ouvrage où le style de Thomas eut le moins de cet apprêt et de cette gravité trop soutenue qu’on lui reproche, est peut-être l’éloge du Dauphin. C’est