les mains de ces nobles Françaises qui habitaient, il y a deux cents ans, les donjons, asile de l’honneur chevaleresque et des vertus domestiques.
Corneille dut être nécessairement frappé de ce tableau, dont le souvenir seul excite un étonnement mêlé de respect. Au milieu de tant d’âmes fortes, la sienne s’agrandit ; il fut le peintre de l’héroïsme ; il préféra les sujets politiques, et remplit ses plus belles scènes de l’amour de la patrie et du fanatisme de la liberté. On en sera moins surpris en songeant que les idées de ce genre s’étaient propagées au milieu des guerres civiles : les États-généraux tenus à Blois, le calvinisme et le livre de Bodin[1], avaient déjà répandu le germe de ces principes, qui devaient tôt ou tard changer la France. Ainsi, le siècle où vécut Corneille put donc avoir quelque influence sur son génie : ce génie fut élevé, fier et mâle, comme les mœurs de ses contemporains ; mais il s’altéra par le mélange des subtilités scolastiques et de l’enflure espagnole. Ses défauts prouvent, comme ses beautés, le pouvoir des circonstances sur les plus grands hommes.
Quant à Racine, on est bien loin de le connaître et de le sentir, quand on prétend qu’il n’a fait que la tragédie de la cour de Louis XIV. M. de La Harpe a trop raison de relever un tel blasphème, et d’en faire justice. Mais il faut avouer que le talent de Racine dut aussi quelque chose à toutes les impressions qui l’environnèrent.
- ↑ Le livre de la République.