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DISCOURS.

que vous nommez la France), et, quoique sûr de tous les dévouements, vous offrez la paix à la tête d’un million de guerriers invincibles.

C’est dans ce généreux dessein que vous avez vu l’empereur de Russie. Jadis, quand des souverains aussi puissants se rapprochaient des bouts de l’Europe, tous les États voisins étaient en alarmes. Des présages sinistres et menaçants accompagnaient ces grandes entrevues. Époque vraiment mémorable ! Les deux premiers monarques du monde réunissent leurs étendards, non pour l’envahir, mais pour le pacifier.

Votre Majesté, Sire, a prononcé le mot de sacrifices, et nous osons le dire à Votre Majesté même, ce mot achève tous vos triomphes. Certes, la nation ne veut pas plus que vous de ces sacrifices qui blesseraient sa gloire et la vôtre. Mais il n’était qu’un seul moyen d’augmenter votre grandeur, c’était d’en modérer l’usage. Vous nous avez montré le spectacle de la force qui dompte tout, et vous nous réservez un spectacle plus extraordinaire, celui de la force qui se dompte elle-même.

Un peuple ennemi prétend, il est vrai, retarder pour vous cette dernière gloire. Il est descendu sur le continent, à la voix de la discorde et des factions. Déjà vous avez pris vos armes pour marcher à sa rencontre : déjà vous abandonnez la France, qui, depuis tant d’années, vous a vu si peu de jours ; vous partez, et je ne sais quelle crainte, inspirée par l’amour, et tempérée par l’espérance, a troublé toutes les âmes ! Nous savons bien pourtant que, par-