Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
PRÉLIMINAIRE.

Fontenelle, qui vécut en paix quarante ans, au milieu de toutes les brochures écrites contre lui, sans avoir la fantaisie de les ouvrir : mais ce Fontenelle, qui, mieux que toutes les définitions, marque le point où se touchent et se séparent l’esprit et le génie, était né sans les deux mobiles qui produisent les grandes actions et les grandes fautes : je veux dire l’imagination et la sensibilité.

Il ne faut pas croire Pope méchant, parce qu’il a porté trop loin le plaisir de la vengeance : ses lettres, dont les éditeurs auraient dû faire un choix, au lieu de les recueillir en si grand nombre, prouvent qu’il possédait toutes les vertus sociales ; celles d’un bon fils, d’un bon ami, d’un bon citoyen. Il fut chéri des hommes les plus illustres et les plus estimables de l’Angleterre ; jamais, dans ses confidences familières, il n’expose une philosophie contraire à celle de l’Essai sur l’Homme. Ses principes sont invariables : on voit q’il ne faisait consister le vrai bonheur que dans le repos et dans les plaisirs domestiques. Celui de tous ses ouvrages dont il s’applaudissait le plus, était un jardin champêtre, qu’il avait embelli lui-même : c’est là qu’il venait oublier les illusions de la gloire et les tourments de la célébrité sous des arbres plantés de ses mains, et près d’une fontaine décorée de quelques vers simples adressés au Sommeil. Les trois dernières années de sa vie ne furent qu’une longue souffrance : il s’occupa de tous les apprêts de sa mort avec le calme d’un homme de bien. Il n’oublia dans son testament aucune des personnes dont