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DISCOURS.

au moment des discordes civiles. Là, se livrant tout entier aux plus douces rêveries, il oubliait les crimes des hommes. Il confiait, dans des vers échappés de son âme, ses plus secrets sentiments à l’oreille de l’amitié, ou faisait entendre au fond de la retraite le chant naïf et mélancolique de la muse pastorale.

La famille de M. Ducis était originaire des montagnes de la Savoie. Il aimait à rappeler cette origine. Si pour juger le caractère de ses ouvrages, on eût dit, en sa présence, que son génie n’était pas sans quelque rapport avec les formes irrégulières de ces hautes montagnes où se rencontrent tour à tour les aspects les plus terribles et les sites les plus touchants, quoique un peu sauvages, il aurait souri peut-être à cette comparaison.

La vérité suffit à l’éloge des hommes supérieurs, et, pour louer celui dont je parle, on n’a pas besoin d’exagération. J’achèverai de le peindre en peu de mots. Sa vie fut toute poétique. Il ne connut, par conséquent, ni les embarras des affaires, ni les tourments de l’ambition. Il posséda les trois biens que l’homme désire le plus, l’indépendance, le repos, et la gloire. Il eut des amis, et mérita d’en avoir. Je n’en citerai qu’un seul dont le nom fait l’éloge de tous les autres. Il inspira la plus tendre affection à M. Thomas, qui ne portait pas moins de gravité dans ses mœurs que dans son éloquence. Il fut environné quarante ans de la bienveillance universelle. Sa vieillesse honorée s’écoula paisiblement au milieu de tant de factions et dans ces jours d’anarchie où les prééminences littéraires étaient