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PRÉLIMINAIRE.

la simplicité des temps antiques. Je crois qu’il eût encore mieux lutté contre Virgile que contre Homère. Ce n’est pas que le poëte romain ne soit aussi près de la nature ; mais ses beautés sont plus savantes, et son style laisse plus apercevoir les combinaisons du travail et de l’art. S’il était possible qu’un philosophe ignorât tous les événements écoulés entre Homère et Virgile, et qu’il lût pour la première fois l’Iliade et l’Énéide, il remarquerait sans peine, de l’un à l’autre, la différence des époques et les progrès de la société.

Pope a traduit Homère avec la confiance d’un homme supérieur, sûr d’embellir ou d’égaler son auteur par des corrections ou des changements. Je n’avais pas les mêmes raisons de me permettre les mêmes licences. J’ai donc copié l’Essai sur l’Homme avec l’exactitude la plus scrupuleuse. Je dois rendre compte des principes que j’ai suivis.

l’ai cherché d’abord quels avaient été ceux de Pope : j’ai vu qu’il s’efforçait de réunir la plus grande étendue de pensée à la plus grande brièveté d’expression. L’allonger, c’était le défigurer entièrement. Mais s’il fallait conserver la précision, il fallait surtout suivre la marche des idées. L’enchaînement des principes de Pope ressemble, en quelque sorte, au système qu’il établit dans l’univers, quand il dit qu’un seul anneau brisé entraînerait la ruine universelle. J’ai donc marqué toutes les liaisons, imité toutes les formes, saisi tous les mouvements. Ceux qui entendent la langue de Pope verront que, si son ta-