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ŒUVRES DE FONTANES.

L’esprit ne peut juger que ce qu’il peut connaître ;
Et l’homme si borné, que connait-il, hélas !
Hors l’instant et le point qu’il occupe ici-bas ?
Il ne voit rien de plus : tout le reste est dans l’ombre ;
Quoiqu’un Dieu se révèle en des globes sans nombre,
Je le cherche en ce globe où sa main m’a jeté.

 Mortel, si ton regard, perçant l’immensité,
Pouvait de tous les cieux pénétrer la structure,
Et de leurs habitants deviner la nature ;
S’il voyait à la fois, par des retours constants,
Tous les mondes sans fin, l’un sur l’autre flottants,
Suivre autour des soleils leur marche régulière,
Tu pourrais lire au sein de la cause première !
Mais ces secrets d’un Dieu te sont-ils découverts ?
Faible atome, est-ce à toi d’embrasser l’univers ?

 Cette chaîne éternelle, inébranlable, immense,
Où tout est suspendu, par qui tout se balance,
Est-ce l’homme, est-ce Dieu qui lui sert de soutien ?
L’ordre est-il affermi par son bras ou le tien ?

 L’homme a dit : Pourquoi Dieu, me tirant de l’argile,
M’a-t-il fait si petit, si borné, si fragile ?
Hélas ! faible mortel, pourquoi n’es-tu pas né
Plus imparfait encore, plus petit, plus borné ?
Viens, enfant de la terre, ose, dans ta démence.
Demander aux vallons pourquoi l’yeuse immense,
L’yeuse au tronc robuste, aux cent bras déployés,
Protège les buissons qui rampent à ses pieds ?