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ŒUVRES DE FONTANES.

Le vice et les vertus dans notre âme s’unissent.
J’ignore où l’un commence, où les autres finissent :
Leurs traits sont confondus, sont-ils anéantis ?
Lorsque d’heureux crayons par le goût assortis
Du blanc avec le noir ont fondu la nuance,
Et du blanc et du noir nieras-tu l’existence ?
Non. Rentre dans ton cœur : là vivent tous les traits
Du bien que tu chéris et du mal que tu hais.
Crois-moi, pour les confondre il te faut plus de peine
Que pour en discerner la limite certaine :
L’esprit peut s’y tromper, l’instinct en juge mieux.

 Le vice, en se montrant, épouvante les yeux ;
On l’éloigne, il revient, sûr d’obtenir sa grâce ;
Et bientôt on le souffre, on le plaint, on l’embrassa :
Mais sur l’excès du vice on n’est jamais d’accord.
Demande le vrai point que regarde le Nord !
Un Anglais vers l’Écosse et le cherche et le place ;
Un Écossais le montre en ses îles de glace :
Plus loin, c’est la Norwège ; au-delà, c’est Thulé,
C’est la Zemble, et le Nord est toujours reculé.
Tel est le vice aux yeux du méchant qui s’ignore.
Nul à l’excès du mal ne croit toucher encore ;
Et ce qu’un scélérat n’aperçoit pas dans lui,
Son doigt accusateur nous le montre en autrui.
Sur notre âme et nos sens que ne peut l’habitude !
Pour le dur Esquimaux nul climat n’est trop rude ;
Nul forfait ne révolte un coupable penchant.
Et ce que hait le juste est aimé du méchant.