Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome I, 1825.djvu/195

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et abjects en apparence, et qui appartiennent cependant au grand Art de gouverner. Il s’occupoit ensuite à imaginer ce qui auroit pû rendre le Païs meilleurs, de grands Chemins, des Ponts, des Navigations nouvelles, Projets dont il n’étoit pas possible qu’il espérât une entière exécution, espèce de songes, si l’on veut, mais qui du moins, comme la plûpart des véritables songes, marquoient l’inclination dominante. Je scai tel Intendant de Province qu’il ne connoissoit point, et à qui il a écrit pour le remercier d’un nouvel établissement qu’il avoit vû en voyageant dans son département. Il devenoit le débiteur particulier de quiconque avoit obligé le Public.

La guerre qui commençat en 1672 lui fournit une infinité d’occasions glorieuses, sur tout dans ce grand nombre de Sièges que le Roi en personne, et que M. de Vauban conduisit tous. Ce fut à celui de Mastrict en 1673 qu’il commença a se servir d’une Méthode singulière pour l’attaque des Places, qu’il avoit imaginée par une longue suite de réflexions et qu’il a depuis toujours pratiqué. Jusque-là il n’avoit fait que suivre avec plus d’adresse et de conduite les règles déjà établies, mais alors il en suivit d’inconnuës et fit changer de face à cette importante partie de la Guerre. Les fameuses Paralleles et les Places d’Armes parurent au jour, depuis ce temps, il a toûjours inventé sur ce sujet, tantôt les Cavaliers de tranchée, tantôt un nouvel usage des Sapes et des demi Sapes, tantôt les Batteries en ricochet, et par-là il avoit porté son art à une telle perfection, que le plus souvent, ce qu’on auroit jamais osé esperer, devant les places les mieux défenduës, il ne perdoit pas plus de monde que les Assiegés.