Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/253

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et le mettre en la place d’Aristote, ce serait à peu près le même inconvénient.

Cependant il faut tout dire: il n’est pas bien sûr que la postérité nous compte pour un mérite les deux ou trois mille ans qu’il y aura un jour entre elle et nous, comme nous les comptons aujourd’hui aux Grecs et aux Latins. Il y a toutes les apparences du monde que la raison se perfectionnera, et que l’on se désabusera généralement du préjugé grossier de l’antiquité. Peut-être ne durera-t-il pas encore longtemps, peut-être à l’heure qu'il est admirons-nous les anciens en pure perte, et sans devoir jamais être admirés en cette qualité-là. Cela serait un peu fâcheux.

Si après tout ce que je viens de dire, on ne me pardonne pas d’avoir osé attaquer des anciens, dans le Discours sur l’églogue, il faut que ce soit un crime qui ne puisse être pardonné. Je n’en dirai donc pas davantage. J’ajouterai seulement que si j’ai choqué les siècles passés par la critique des églogues des anciens, je crains fort de ne plaire guère au siècle présent par les miennes. Outre beaucoup de défauts qu’elles ont, elles représentent toujours un amour tendre, délicat, appliqué, fidèle, jusqu’à en être superstitieux, et selon tout ce que j’entends dire, le siècle est bien mal choisi pour y peindre un amour si parfait.