Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/144

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Les Anciens étoient jeunes auprès de nous. Si les roses, qui ne durent qu’un jour, faisoient des histoires, et se laissent des mémoires les unes aux autres, les premières auroient fait le portrait de leur jardinier d’une certaine façon et, de plus de quinze mille âges de roses, les autres qui l’auroient encore laissé à celles qui les devoient suivre, n’y auroient rien changé. Sur cela, elles diroient : Nous avons toujours vu le même jardinier, de mémoire de rose on n’a vu que lui, il a toujours été fait comme il est, assurément il ne meurt point comme nous, il ne change seulement pas. Le raisonnement des roses serait-il bon ? Il auroit pourtant plus de fondement que celui que faisoient les Anciens sur les corps célestes ; et quand même il ne seroit arrivé aucun changement dans les cieux jusqu’à aujourd’hui, quand ils paraîtroient marquer qu’ils seroient faits pour durer toujours sans aucune altération, je ne les en croirois pas encore, j’attendrois une plus longue expérience. Devons-nous établir notre durée, qui n’est que d’un instant, pour la mesure de quelqu’autre ? Serait-ce à dire que ce qui auroit duré cent mille fois plus que nous, dût toujours durer ? On n’est pas si aisément éternel. Il faudroit qu’une chose eût passé bien des âges d’homme mis bout à bout, pour commencer à donner quelque signe d’immortalité.