Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/22

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que le derrière du théâtre de l’opéra. À ce compte, dit la Marquise, la philosophie est devenue bien mécanique ? Si mécanique, répondis-je, que je crains qu’on en ait bientôt honte. On veut que l’univers ne soit en grand, que ce qu’une montre est en petit, et que tout s’y conduise par des mouvemens réglés qui dépendent de l’arrangement des parties. Avouez la vérité. N’avez-vous pas eu quelquefois une idée plus sublime de l’univers, et ne lui avez-vous point fait plus d’honneur qu’il ne méritoit ? J’ai vu des gens qui l’en estimoient moins, depuis qu’ils l’avoient connu. Et moi, répliqua-t-elle, je l’en estime beaucoup plus, depuis que je sais qu’il ressemble à une montre. Il est surprenant que l’ordre de la nature, tout admirable qu’il est, ne roule que sur des choses si simples.

Je ne sais pas, lui répondis-je, qui vous a donné des idées si saines ; mais en vérité, il n’est pas trop commun de les avoir. Assez de gens ont toujours dans la tête un faux merveilleux enveloppé d’une obscurité qu’ils respectent. Ils n’admirent la nature, que parce qu’ils la croient une espèce de magie où l’on n’entend rien ; et il est sûr qu’une chose est déshonorée auprès d’eux, dès qu’elle peut être conçue. Mais, Madame, continuai-je, vous êtes si bien disposée à entrer dans tout ce que je veux vous dire, que je crois que