Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/76

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assurément considérable ; mais quand même elle ne s’y rencontreroit pas, il ne seroit pas possible de passer de l’air de l’une dans l’air de l’autre. L’eau est l’air des poissons, ils ne passent jamais dans l’air des oiseaux, ni les oiseaux dans l’air des poissons ; ce n’est pas la distance qui les en empêche, c’est que chacun a pour prison l’air qu’il respire. Nous trouvons que le nôtre est mêlé de vapeurs plus épaisses et plus grossières que celui de la lune. À ce compte, un habitant de la lune qui seroit arrivé aux confins de notre monde se noieroit dès qu’il entreroit dans notre air, et nous le verrions tomber mort sur la terre.

Oh ! que j’aurois d’envie, s’écria la Marquise, qu’il arrivât quelque grand naufrage qui répandît ici bon nombre de ces gens-là, dont nous irions considérer à notre aise les figures extraordinaires ! Mais répliquai-je, s’ils étoient assez habiles pour naviguer sur la surface extérieure de notre air, et que de là, par la curiosité de nous voir, ils nous pêchassent comme des poissons, cela vous plairait-il ? Pourquoi non, répondit-elle en riant ? Pour moi, je me mettrois de mon propre mouvement dans leurs filets, seulement pour avoir le plaisir de voir ceux qui m’auroient pêchée.

Songez, répliquai-je, que vous n’arriveriez