Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/94

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de dignité. Parmi ces Arabes qui sont toujours en action, soit chez eux, soit en dehors, on reconnaît quelques étrangers en fort petit nombre, qui ressemblent beaucoup pour la figure aux naturels du pays, mais qui d’ailleurs sont fort paresseux, qui ne sortent point, qui ne font rien, et qui, selon toutes les apparences, ne seroient pas soufferts chez un peuple extrêmement actif, s’ils n’étoient destinés aux plaisirs de la reine, et à l’important ministère de la propagation. En effet, si malgré leur petit nombre ils sont les pères des dix mille enfants, plus ou moins, que la reine met au monde, ils méritent bien d’être quittes de tout autre emploi, et ce qui persuade bien que ç’a été leur unique fonction, c’est qu’aussitôt qu’elle est entièrement remplie, aussitôt que la reine a fait ses dix mille couches, les Arabes vous tuent, sans miséricorde, ces malheureux étrangers devenus inutiles à l’État.

Est-ce tout ? dit la Marquise. Dieu soit loué. Rentrons un peu dans le sens commun, si nous pouvons. De bonne foi où avez-vous pris tout ce roman-là ? Quel est le poëte qui vous l’a fourni ? Je vous répète encore, lui répondis-je, que ce n’est point un roman. Tout cela se passe ici, sur notre terre, sous nos yeux. Vous voilà bien étonnée, Oui, sous nos yeux, mes Arabes ne sont que des abeilles, puisqu’il faut vous le dire.