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SOUVENIRS

entendions encore les cloches. La mer étant agitée, notre équipage harassé, et nous tous fort malades, on se réfugia dans un petit port connu sous le nom de la Tonnara[1]. J’envoyai chercher des chevaux à Syracuse ; on me ramena des mulets de charge et une litière. J’éprouvais beaucoup de répugnance à me placer dans cette singulière voiture, où je me trouvai tout de suite à merveille. Mes mulets avaient le pas très-sûr : un homme à cheval les guidait ; un autre à pied les contenait, ou les excitait par des cris variés, mais continuels. Ce monologue animé se composait de reproches ou d’éloges.

La mauvaise foi, l’avidité de mes matelots faillirent m’empêcher de quitter la Tonnara, où j’avais eu de la peine à débarquer, parce que le garde sanitaire n’était pas à son poste. Un ecclésiastique qui se trouva par hasard sur le rivage prit sur lui de lire de quinze pas notre patente, et de s’assurer que nous n’arrivions pas de Tunis. Il interposa son autorité, et mit beaucoup de bienveillance à me débarrasser des criailleries de

  1. Ainsi nommé à cause de la pêche du thon, dont les fermiers habitent ce lieu : on y a construit de grands magasins où se font les salaisons préparatoires.