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SOUVENIRS

en creusant de profondes vallées. On le vit ainsi, dans sa fureur, détruire parfois une ville, tandis qu’il repoussait les flots de la mer et formait un port commode et sûr. L’espace que ces fleuves ont parcouru, peut donner l’idée du chaos : quelques-unes de ces laves conservent la forme d’une cascade ; d’autres, celle d’une mer dont les vagues auraient été fixées, durcies, au moment d’une tempête. Quelques cratères sont entourés de végétation et de fleurs : on dirait une couronne placée sur un cercueil[1].

Une auréole de nuages charge le front de l’Etna, tandis que le ciel qui le couvre, la mer qui l’entoure, sont éclatans de lumière. Ce rivage fait de constans efforts pour cacher sous la verdure la trace des torrens de feu qui ne se lassent

  1. Interea fessos ventus cum sole reliquit ;
    Ignarique viæ, Cyclopum allabimur oris.
    Portus ab accessu ventorum immotus, et ingens
    Ipse ; sed horrificis juxtà tonat Ætna ruinis,
    Interdumque atram prorumpit ad æthera nubem
    Turbine fumantem piceo, et candente favillâ ;
    Attollitque globos flammarum, et sidera lambit :
    Interdum scopulos avulsaqne viscera montis
    Erigit eructans, liquefactaque saxa sub auras
    Cum gemitu glomerat, fundoque exæstuat imo.

    (Virg. Æneïd. lib. iii, v. 568.)