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LE RAJAH DE BEDNOURE,

prendre toutes les formes pour séduire tous les yeux. Le rajah voulut connaître mon père, qui mérita sa confiance et fut bientôt comblé de faveurs par le souverain. Les grands du royaume lui vouèrent dès-lors, en l’accablant de caresses, la haine la plus profonde et la plus unanime. Son crédit augmentait chaque jour : chargé de l’administration des finances, il était devenu premier ministre, quand il vit ma mère. Elle était veuve d’un des poligars les plus puissans de Canara. Mon père n’usa de son pouvoir que pour obtenir la main de la belle Ussékir. Tous les grands furent aussi révoltés de l’audace du premier ministre et de son bonheur intérieur, qu’ils l’étaient déjà de la prospérité de l’empire.

» Il acheva de mécontenter les poligars, et de s’aliéner l’esprit des prêtres, en ne traitant pas assez sérieusement une affaire de religion qui divisait les collèges de Bénarès et de Maduré. Il s’agissait, m’a-t-il dit plusieurs fois, de décider si Wisnou, dans sa neuvième incarnation, avait eu pour but la punition ou le bonheur du genre humain ; si, enfin, il ne pouvait pas être justement irrité d’être représenté armé d’un dandei-