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LE RAJAH DE BEDNOURE,

ses côtés. Non, me dit-il, je ne fuirai point devant un lâche ennemi, et dans peu de momens tout mon sang sera versé pour la cause la plus juste, ou vous régnerez sur Bednoure. Les prières de mon père n’eurent pas plus d’effet que les miennes ; le rajah fut inébranlable : la soif de la vengeance était alors le premier besoin de son ame. Nous le serrâmes long-temps dans nos bras. Il plaça sur ma poitrine une chaîne d’iri, un talisman, qu’il détacha de son cou ; il le portait depuis son enfance. Ah ! que je sentis cruellement alors le malheur de ne m’être pas unie à celui que je nommais tout bas mon époux bien-aimé ! Enfin, bénis tous deux par mon père, nous nous arrachâmes de ce lieu, suffoqués par nos larmes.

» Quand j’atteignis Cananor, la fièvre me consumait : nous nous embarquâmes cependant à la hâte sur un vaisseau hollandais qui nous conduisit à Anjenga.

» Nous apprîmes, peu de temps après, l’issue funeste des efforts et du dévouement de Misra. La rage de Saëb, quand il fut informé de notre fuite, avait livré aux flammes le palais de Bed-