Page:Forneret - Lettre à M. Victor Hugo, 1851.djvu/7

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nous ne rions pas de vous, tant s’en faut ; mais nous vous plaignons, car vous êtes insensés ! car nous sommes convaincus, nous, partisans de la peine de mort en matière civile, que vous attachez cependant une punition, une punition exemplaire aux crimes commis ; mais que vous oubliez, avec tous vos fers, vos galères, vos détentions, vos réclusions perpétuelles, vos déportations, vos colonisations (et Dieu sait quelles peuplades on formerait avec certains gibiers à l’usage des prisons ou des bagnes !…), avec vos régimes cellulaires même, vous oubliez la répression la plus accablante ; celle de l’extinction de l’espérance sur la terre, et celle du commencement de la crainte auprès de Dieu ! L’espérance qui n’abandonne jamais un homme qui vit, la crainte céleste qui fixe ou peut fixer le criminel d’intention sur le bord de l’abîme des iniquités. Et, ne vous y trompez pas, cette peur dont nous parlons, n’existe qu’autant que le bourreau tient et se sert de la clé qui donne accès devant la justice de l’Être suprême !

Et puis, avez-vous entendu, comme nous, dire à un condamné à mort : « que s’il avait su mourir, il ne se serait pas rendu aussi coupable qu’il l’était. » Il s’exprimait ainsi pour les trois quarts et demi des condamnés, et il appuyait par ce langage les pensées que nous émettons. Ce n’était, à coup sûr, pas le repentir qui le provoquait. Non ; seulement, il se sentait lâche au moment d’éprouver le choc fatal, et il pensait qu’après, il n’en avait pas fini avec la vengeance du ciel ; voilà tout. Quoi de plus lâche, en effet, qu’un assassin qui tue sa victime alors qu’elle est endormie ou tranquille, et par conséquent sans défiance !