Page:Forneret - Rien, 1983.djvu/20

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Encore quelques mots moins gais que ceux que je viens de vous débiter, messieurs, et à vous la parole.

Young et Byron pensaient qu’un homme qui avait fait tant de livres pouvait bien être un peu bavard, surtout lorsqu’il était mort ; ils se turent.

Et Voltaire voyant qu’il commençait à fatiguer les deux Anglais, se hâta de dire :

— Messieurs, toujours à elle. Alors, j’avais vingt-cinq ans, je crois.

Amie,

Tu n’es pas auteur, toi, parce que tu ne voudrais pas de cette vie-là. Si tu savais comme parfois elle ronge tout ; comme elle vous fait brusquer ce qu’on chérit le plus au monde, comme on est ennuyé, blasé sur tout ; comme on prend chaque chose en pitié, comme on se met à table avec fureur, comme on se couche malheureux ; comme on se lève plus malheureux encore ; comme le jour vous paraît noir, le soleil obscur, l’air épais, l’eau trouble, les visages hideux, les paroles assommantes, le bruit insupportable, les cimetières magnifiques, les tombes riantes ; et quand on voit dans sa pensée un squelette planant sur le monde, on voudrait occuper la place de cet exergue de la mort.

Depuis deux ans, tu me prédis gloire et succès ; où est donc cette gloire ? où sont donc ces succès ? Toujours rien ou presque rien ! Oh ! tais-toi, tais-toi ! Je te l’ai dit déjà, je crois, mais je te le répète encore, il me semble que j’aurais

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