Page:Forneret - Rien, 1983.djvu/28

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frémit dans l’herbe et s’épanche en innombrables petits jets de lumière ; de la grêle : il se remue par saccades ; du vent : il semble s’enfoncer en terre ; un beau ciel pour le lendemain : il est bleu ; une belle nuit : il étoile l’herbe à peu près comme pour les fêtes publiques, seulement, il ne frémit pas. Pour un enfant qui naît, le ver est blanc ; enfin, à l’heure où s’accomplit une étrange destinée, le ver luisant est jaune.

Je ne sais jusqu’à quel point ces dires doivent être crus ; mais voici : — je raconte.

Par un soir où tout le souffle des anges volait sur la figure des hommes ; par un de ces soirs où l’on voudrait avoir mille poumons pour leur donner à tous cet air qui semble venir des jardins du ciel ; sous d’énormes et vieux arbres plantés dans des brins d’herbe, un pavillon étalait à la lune ses ailes oblongues et délabrées.

Il y avait là de l’eau qui pleurait en passant sur un lit d’épines. Il y avait là, bien des pierres verdâtres où les doigts du temps avaient fait de gros trous ; bien de la mousse autour des pierres ; bien des feuilles sèches de trois ou quatre années peut-être ; bien du mystère, bien du silence, bien de l’éloignement de tout ce qui a vie humaine. — Là, un homme aurait pu se croire le premier ou le dernier homme, — à la création ou au jugement de Dieu. — Oh ! comme la lune paraissait offrir à chaque feuille des vieux arbres, à chaque pierre du pavillon, à l’eau qui s’en allait, aux ronces qui l’arrêtaient, sa mélancolie grave et ses larmes blanches ! Mais bientôt elle se lassa de regarder la terre, se couvrit pour un instant d’un voile presque noir, et alors il n’y eut

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