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les mystères de montréal

— Tu as besoin d’argent pour te marier : je t’en prêterai et le remboursement ne t’inquiètera jamais.

Antoine voulait résister à la tentation mais l’abîme était ouvert devant lui et il s’y précipitait. Il avait cessé de parler en ami pour parler en trafiqueur : « Je me marierais cet été, pensait-il, je n’aurais plus à craindre Pierre Prunelle. » D’un autre côté, le vol, l’arrestation, la prison lui faisaient peur.

— Dépêche-toi, lui dit le jeune marchand, ou Améline va t’échapper : tu sais que Pierre Prunelle monte souvent au deuxième rang…

— Oui, mais tu me fais faire une besogne bien risquée. Ou ne joue pas impunément avec la prison, répliqua Antoine.

— Voyons, faire disparaître une lettre à l’arrivée du courrier est une petite affaire, tu le sais comme moi… Tiens, je te donnerai vingt-cinq piastres.

— Tu m’en donneras cinquante.

— Cinquante ! mais c’est une petite fortune.

À l’époque et dans l’endroit où se passe notre récit, cinquante piastres étaient en effet une petite fortune. L’argent était rare dans les campagnes et principalement dans celles qui avaient souffert des troubles. On ramassait sou par sou et ceux qui possédaient quelques mille piastres étaient des riches dont on vantait les trésors.

— Je te donnerai la moitié, continua Charles. C’est à prendre où à laisser.