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les mystères de montréal

lit cette nouvelle avec un sourire narquois que signifiait : « Nous verrons. »

Il vit. Ce fut sur les entrefaites que François Bourdages donna sa veillée. Les deux rivaux se rencontrèrent dans la même maison auprès de la même jeune fille.

Charles fut charmant ; Paul le fut davantage. Il dansa le premier cotillon avec Jeanne, le deuxième, puis le troisième.

Ce furent là des dards cruels qui percèrent le cœur du pauvre Charles. Il était donc vrai que Jeanne ne l’aimait pas : « Pourtant, pensa-t-il, elle m’a aimé, et si elle m’a abandonné, c’est la faute de Paul. »

Et il balbutia dans un commencement de colère :

— Il ne sera pas dit qu’un paysan ait supplanté un marchand !…

Il devient distrait, et n’a pas conscience de ce qui se passe autour de lui… Il fait des efforts pour ne pas s’élancer sur les amoureux… pour ne pas les terrasser… les brutaliser… Il voudrait les voir morts, étendus à ses pieds…

À la pensée que Jeanne est heureuse avec un autre danseur, Charles étouffe comme si on l’eut serré entre deux murs ; une sueur froide perle sur son front, un malaise général l’envahit ! Un sentiment de jalousie, de haine court par tout son corps.

— Ciel, murmure-t-il, ils sont en amour !

Ses illusions tombent. Il ne peut rester dans cette