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les mystères de montréal

vaisseau français, trinquer à la santé de la France. Maintenant était écrit en avant en grosses lettres blanches le mot lugubre : Solitaire. Et on appelait le commandant : Buscapié.

C’était l’ancien Pierre Mallette. À son manque de connaissances maritimes suppléaient l’énergie et l’audace. Et aujourd’hui il avait un tel ascendant sur ses compagnons de crime, que d’un geste, d’un regard, il les fascinait et leur faisait exécuter ses ordres.

Néanmoins on l’estimait, on l’aimait, ce jeune homme dont on avait été témoin de l’avènement, avec sa fermeté de caractère, avec son intrépidité dans les actes, poussée parfois jusqu’à la témérité, avec son parfait sang-froid.

À cinq milles des côtes du Maryland se trouve une petite île que les géographes omettent mais que les habitants du pays ont baptisée du nom de Jones. Elle semble avoir pris naissance à la suite d’un affreux cataclysme qui l’a séparée du continent pour la lancer au large où elle lui tourne le dos comme un enfant rancuneux.

C’est bien l’air qu’elle a avec sa forme de demi-circonférence dont les deux extrémités regardent la mer. Ses côtes sont taillées à pic, de sorte qu’un navire de gros tonnage s’en approche facilement sans être aperçu des gens de la terre ferme.

L’île Jones est fournie de la plus luxuriante végétation. Les peupliers, les trembles, les cèdres entrelacent