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les mystères de montréal

Les matelots répondirent successivement qu’en effet il valait mieux aller chercher de la nourriture, fut-ce à vingt lieues plutôt que de rester à bord à mourir de faim.

Alors le capitaine regardant le second :

— Toi, Bérubé, tu garderas avec le mousse, n’est-ce pas ? lui dit-il.

À ces paroles, un frisson me passa sur le corps… Moi rester seul avec cet homme, j’eus autant aimé rester avec le diable.

— Cela te donnera du nerf, me dit Thibault, et au printemps tu seras un homme…

Je ne voulus rien dire ; après tout Bérubé ne mangeait pas le monde. Quant au sauvage que j’avais vu dans la cabine je n’y pensais plus, étant sous l’impression qu’on avait voulu m’effrayer.

Le lendemain se passa à faire les préparatifs du voyage.

On ne part pas pour faire vingt lieues en hiver et dans un pays inhabité, sans prendre beaucoup de précautions.

Il fallut remettre en ordre une vieille tente ensevelie dans la cale depuis le milieu de l’été, nettoyer les fusils, dérouiller les grands couteaux et séparer les provisions. Chaque matelot fit un paquet qu’il mit sur son dos et dans lequel il y avait une couverte pour se couvrir la nuit, ainsi que plusieurs autres choses. En outre l’expédition emporta une boussole, des vivres pour une semaine, et de la poudre et des balles en