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les mystères de montréal

sur les flancs de la montagne Nabésippi, il s’était trouvé dans une inquiétude mal dissimulée et avait eu soin de se tenir à l’écart.

Un jour, un Agwanus s’approcha de lui… il était jeune encore et paraissait aussi agile que les cerfs qu’il chassait. Aux plumes variées qu’il portait autour de sa tête on reconnaissait un chef. Il était calme ; on lui avait appris dès son enfance qu’un véritable Agwanus sait dissimuler sa pensée. Mais sous ce calme apparent se cachait la colère et la soif de la vengeance.

— Pasheeboo, fils du défunt grand chef Wapigun, salue en toi un chef blanc, dit-il au capitaine.

Au nom de Wapigun, Thibault trembla.

— Un chef blanc, continua le sauvage, plus lâche que le hibou, plus traître que l’ours et plus hypocrite que le renard… Pourquoi viens-tu ici cet hiver, sous le nom d’un autre blanc ?… Crois-tu que l’Agwanus ait oublié ta figure ?…

— Tu me prends pour un autre, interrompit le capitaine, car c’est la première fois que je viens ici.

— Tu mens ! fit Pasheeboo en s’élançant comme pour enlacer Thibault dans ses bras musculeux ; tu mens comme un chien : tu es le blanc Thibault… Pasheeboo a vu ta figure il y a deux ans, il la reconnaîtrait dans cent ans. Tu as assassiné mon père Wapigun, l’hiver du grand vol…

En effet deux ans auparavant le capitaine Thibault avait commis chez les Agwanus un acte de brigandage révoltant. Afin d’enlever une quantité considérable