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CHAPITRE V

deux anciens camarades


S’il y avait à Montréal des maisons où l’on s’amusait sur un haut ton, il y avait par contre de vilaines bicoques où l’on s’abrutissait.

Le cabaret du « Cheval Blanc » situé au coin des rues Claude et Saint-Paul était fameux parmi les estaminets de bas étage. Il y a toujours des gens qui ont le don de rendre leurs établissements populaires pendant que leurs voisins font faillite.

Au nom du « Cheval Blanc » s’en rattachait un autre non moins fameux, celui du propriétaire, gérant et seul commis, Bibi Saint-Michel, qui faisait cent pour cent de profit, en faisant boire à ses clients du rye au lieu du brandy. Sans compter qu’il baptisait son vin et faisait la multiplication des cinq pains.

Chaque soir, depuis bien des années, à la brunante, Bibi accrochait à la porte de sa buvette un fanal rouge qui invitait les passants.

Là on pouvait tramer les plus affreux complots sans craindre les oreilles indiscrètes. Bibi les connaissait et avertissait à temps.

En franchissant le seuil du « Cheval Blanc » on se trouvait dans une vaste salle, basse, percée de deux fenêtres seulement et entourée de bancs. Au fond était le comptoir où Bibi servait la pratique.