Page:Foucher - La Vie du Bouddha, 1949.djvu/103

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tion d’une poésie populaire[1] : Non, non, cette lumière charmante n’est pas celle du soleil, et cela pour la triple raison qu’elle est fraîche, qu’elle n’éveille pas les oiseaux et qu’elle ne fait pas d’ombre. Le roi ne tarde pas à s’apercevoir qu’elle émane du corps de son fils. Debout devant lui, celui-ci le prie de ne plus s’opposer à son départ dont l’heure est venue ; et le roi, les yeux pleins de larmes, lui promet de lui accorder toutes les faveurs qu’il voudra pourvu qu’il ne l’abandonne pas, lui, la famille royale et le royaume. Alors, d’une voix douce, le Bodhisattva reprend son éternel refrain et s’engage à demeurer si seulement son père peut lui garantir qu’il sera à tout jamais exempt de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Naturellement Çouddhodana lui répond que cela n’est au pouvoir de personne ; et, en échange de ces dons irréalisables, son fils ne lui demande plus qu’une chose, à savoir qu’il cesse de faire obstacle à sa vocation. Finalement le roi est censé s’attendrir et donner son consentement, car il faut éviter de contrister les bonnes âmes : « Et alors le Bodhisattva s’en retourna et remontant à son palais s’assit sur sa couche. Et personne ne s’aperçut de son allée et venue[2]. » Cette mystérieuse entrevue reste donc le secret de l’auteur qui l’inventa. Est-il besoin d’ajouter que nous ne nous apercevons pas davantage qu’il y ait rien de changé dans le cours des événements ? Après comme avant, nous apprenons de la même main que, pour prévenir la fuite de son fils, le roi Çouddhodana passe son temps à mobiliser les Çâkyas en état de porter les armes et à renforcer devant toutes les issues possibles non seulement les postes de garde, mais jusqu’aux battants des portes.

Cette platonique satisfaction une fois donnée aux rigoristes, les textes et les bas-reliefs reprennent leur marche parallèle et nous en profiterons pour pénêtrer avec les sculpteurs dans la chambre à coucher du prince. Ils nous y introduisent en effet à deux reprises successives en deux tableaux qui se déroulent exactement dans le même décor. D’après le premier le prince est couché sur son lit et à ses pieds est assise sa première épouse ; des femmes les entourent en aussi grand nombre qu’en peuvent contenir les limites du panneau. Si l’on excepte les amazones qui, appuyées sur leur lance, veillent dans le vestibule, ce ne sont que des ballerines ou des musiciennes. Celles-ci jouent de la harpe, de la flûte ou du tambourin, tandis que celles-là déploient en mesure leurs grâces dansantes ; et toutes, selon la recommandation expresse qu’après le roi leur a faite la reine Mahâ-Pradjâpati, rivalisent de zèle pour distraire le prince de ses mélancoliques pensées. Mais il faut savoir que pendant l’entr’acte elles n’ont réussi qu’à l’endormir. Quand le rideau se relève sur le second tableau, les positions des deux protagonistes sont interverties : c’est le tour de Gopâ-Yaçodharâ d’être étendue et même endormie, tandis que Siddhârtha qui vient de se réveiller, est à présent assis sur la couche nuptiale. Quant aux musiciennes et aux bayadères, en

  1. Sur le sañcodana et l’adhyeshaṇa v. AgbG II p. 8 et 320 (fig. 47 au milieu, 347-8 : ajouter fig. 164 b) et I p. 420 et fig. 212-15.
  2. LV au début du ch. XV p. 198 s..