Page:Foucher - La Vie du Bouddha, 1949.djvu/130

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encore que ce qu’il vient d’abandonner volontairement. Toutefois Bimbisâra ne se retire pas sans emporter la promesse, qui sera tenue, que le religieux lui communiquera, dès qu’il l’aura découvert, le secret du salut. Telle aurait été l’origine de la longue amitié qui les unit jusqu’à la mort tragique du monarque.

Quelle impression retirer de la lecture de cette historiette ? Tout d’abord elle donne une vivante illustration de ce qui a été dit ci-dessus (p. 113) sur le mélange de grandeur et de misère que comporte la vie du moine mendiant. Puis on ne peut guère s’empêcher de goûter la simplicité de mœurs qu’elle atteste, ni manquer d’admirer le sincère respect du souverain, inclinant son royal turban aux pieds du religieux paisiblement assis sur sa jonchée d’herbes. Peut-être enfin n’assiste-t-on pas sans quelque émotion à la naissance de leur mutuel attachement… Si grand regret que nous puissions avoir à l’apprendre, sachons que nous n’y entendons rien. Ce qu’il faut y voir — ce du moins que les docteurs ont fini par vouloir que nous y voyions — c’est uniquement ceci, à savoir que le roi tente l’ascète, que par ses offres alléchantes il essaye de le détourner de la voie de l’Illumination, et que par conséquent, s’il n’est pas à proprement parler un suppôt de Mâra le Malin, du moins il en assume le rôle. L’offre si cordiale et spontanée du monarque n’est plus, comme nous dirions, qu’une ruse satanique. Il n’y a là rien d’édifiant que le refus de Gaoutama de se laisser séduire, et l’homélie qu’il ne manque pas de débiter à cette occasion sur la vanité des plaisirs mondains. … Et voilà comment un zèle intempestif peut détruire tout le charme d’une innocente idylle. Mais nous, qui ne sommes pas dévots, il nous est loisible de riposter en dénonçant dans cette interprétation tendancieuse des théologiens un cas manifeste de déformation professionnelle : car l’imagination populaire en créant cette aimable fiction n’avait sûrement aucune des arrière-pensées que leur malencontreuse manie moralisatrice a prétendu y découvrir. Ne le cachons pas davantage : si nous avons fait une place à cet épisode apocryphe, c’est surtout (par fidélité envers le programme que nous nous sommes tracé) à cause de l’intérêt qu’il peut y avoir du point de vue psychologique à noter au passage cette déviation du sens littéraire aussi bien que religieux chez des gens nullement malintentionnés.

La période d’études. — Une autre cause d’aberration mentale est pour nos hagiographes l’incapacité où ils sont d’imaginer le futur Bouddha, à cet instant de sa biographie, autrement qu’auréolé par avance de toute sa gloire. Autant vouloir exposer les métamorphoses d’une larve ou d’une chrysalide en termes qui ne seraient de mise que s’ils s’appliquaient à l’insecte parfait. Nous avons toutes raisons de croire au charme personnel du Bodhisattva : il n’en est pas moins probable que, perdu dans le nombre des çramanes, il dut passer d’abord assez inaperçu et que les rois attendirent pour le vénérer que la voix des peuples eût consacré