Page:Foucher - La Vie du Bouddha, 1949.djvu/137

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grimpent par un sentier coupé d’escaliers. Beaucoup d’entre elles sont devenues célèbres dans le monde bouddhique à cause de tel ou tel sermon que le Bouddha y aurait plus tard prononcé. D’étape en étape il arrive, à quelque distance de Gayâ, à « Ouroubilvâ, le village du chef d’armée », et là : « Il vit la rivière Naïrañjanâ, avec son eau pure, ses escaliers d’accès, les agréables bocages qui la bordent, les hameaux de pasteurs qui l’entourent ; et là en vérité l’esprit du Bodhisattva fut on ne peut plus charmé : Commode, certes, est ce coin de terre, ravissant, favorable à la retraite, c’est un endroit tout à fait convenable pour un fils-de-famille désireux de se livrer à la méditation ; or tel est justement mon désir. Il faut que je m’y installe. » Il le fait comme il le dit, et c’est pourquoi cette localité champêtre, du fait qu’elle contient le site où le Bodhisattva atteignit l’Illumination est, à côté de Bénarès, de Jérusalem et de la Mecque, l’un des grands centres religieux de l’humanité. Le village qui devait son nom à un « gros fruit de bilvâ » (Ægle marmelos) et était alors l’apanage d’un général magadhien, existe toujours sous la dénomination d’Ourel. La Naïrañjanâ, sous l’appellation de Lilañj, continue à se jeter dans le Phalgou, avec lequel on l’a parfois confondue, et (sauf pendant la saison des pluies) étale au soleil ses bancs de sable aussi blonds que ceux de notre Loire, parmi lesquels circulent de minces chenaux d’eau claire. Les bouquets d’arbres aussi sont là, ombrageant ses bords ou bornant l’horizon de la plaine, palmiers éventails, sombres manguiers, figuiers-des-banyans fameux par la multiplication de leurs racines aériennes, et surtout ces figuiers dits « religieux », tout pareils à celui qui vit, à l’heure décisive, le Bouddha s’asseoir à son pied. Avec leurs feuilles perpétuellement frissonnantes, ces agvattha ou pipals ressemblent beaucoup à nos peupliers d’Italie ; et jamais, dans aucun feuillage, le vent ne murmura avec plus de nostalgique douceur. Paix, calme, silence fait de bruits rustiques, le milieu n’a pas changé ; et en dépit de l’affluence quotidienne des pèlerins qui viennent en nombre croissant de toute l’Asie orientale, on le sent favorable à une intense vie intérieure, comme si l’air était encore imprégné de la sereine pensée du Bienheureux.

C’est dans ce cadre paisible et charmant (et non, comme l’imaginait le bon Marco Polo, au fond de montagnes désertiques) que vont se dérouler successivement les effroyables austérités du Bodhisattva, puis ses luttes non moins terribles contre la conjuration des puissances mauvaises, et enfin le triomphe final de sa belle intelligence servie par son indomptable volonté. Notre auteur commence par lui faire passer en revue dans son esprit toute la variété des comportements bizarres, des baroques observances alimentaires, vestimentaires ou cultuelles et des tourments physiques que les ascètes de son temps s’imposaient dans le vain espoir d’échapper au tourbillon des renaissances. On se doute que la liste en est longue : car l’imagination humaine, si courte