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sespoir : telle est « l’origine prochaine » de tout « ce grand agrégat de douleurs ».

b) Là-dessus une autre intuition lui vient, et il reprend à nouveau la série, mais cette fois sous une forme négative et d’abord en ordre ascendant : « En l’absence de quoi n’y a-t-il ni vieillesse ni mort ? Par la suppression de quoi y a-t-il suppression de la vieillesse et de la mort ? — C’est en l’absence de la naissance qu’il n’y a ni vieillesse ni mort ; et c’est par suite de la suppression de la naissance qu’il n’y a ni vieillesse ni mort… » De même « sans naissance pas de venue à l’existence », etc., et ainsi de suite jusqu’à « sans prédispositions, pas d’inconnaissabilité ». Tout cela n’est pas pure tautologie : car du même coup, après « l’origine prochaine » de chaque condition, il a appris à en connaître la « suppression ».

c) Pour mieux exprimer le contenu de cette donnée nouvelle, il repasse une fois de plus la formule sous sa forme négative, mais dans l’ordre descendant : « En l’absence de quoi n’y a-t-il pas de prédispositions ? Par suite de la suppression de quoi y a-t-il suppression des prédispositions ? — C’est en l’absence de l’inconnaissabilité qu’il ne se produit pas de prédispositions ; c’est par suite de la suppression de l’inconnaissabilité qu’il y a suppression des prédispositions »… et ainsi de suite, jusqu’à : « C’est par suite de la suppression de la naissance qu’l’y a suppression de la vieillesse, de la mort, du chagrin, de la tristesse, de la souffrance, de la détresse, du désespoir ; c’est ainsi qu’il y a suppression de tout ce grand agrégat de douleurs ». Cette fois encore il a fait un pas de plus : après l’origine prochaine, après la suppression de chaque condition, il a trouvé la « voie d’accès » à cette suppression.

d) Dès lors il ne lui reste plus qu’à proclamer pour son entière satisfaction le résumé de ses découvertes successives : « Et c’est, ainsi que chez le Bodhisattva, à force de rouler à fond dans son esprit ces conceptions inouïes jusqu’alors, la connaissance, l’œil, la science, l’intelligence, la sagesse, la sapience se produisirent, et il lui vint cette intuition : Moi que voici, en cet instant, je sais ce qui en est », et derechef il dévide la série des conditions jusqu’à la conclusion finale : « Voici la douleur, voici l’origine prochaine de la douleur, voici la suppression de la douleur, voici le chemin qui mène à la suppression de la douleur, tout cela je l’ai connu, tel que c’est[1]. Et c’est ainsi que dans la dernière veille de la nuit, à la pointe de l’aube, le Bodhisattva, grâce à sa sapience, — ayant embrassé d’un seul regard de sa pensée tout ce qu’un homme, un surhomme, un grand homme, un taureau des hommes, un lion des hommes, un héros des hommes, un champion des hommes, un lotus des hommes, un premier des hommes, un conducteur des hommes, etc., peut connaître, comprendre, atteindre, voir et se représenter clairement — s’illumina de la suprême et parfaite Illumination[2]. »

Le voici donc enfin, pour le salut du monde, parvenu au but

  1. Après le duḥkha il a connu successivement son samudaya, son nirodha et enfin la pratipad : c’est là déjà en germe les quatre Vérités de la première prédication (cf. supra p. 201).
  2. LV p. 350 et MVU II p. 284, à peu près dans les mêmes termes.