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bleau succinct de la manière dont on concevait de son temps (ve siècle) les habitudes quotidiennes du Prédestiné[1]. Celui-ci, nous dit-il, se levait de très bonne heure comme c’est, dans l’Inde et ailleurs, la coutume des personnes vouées à la vie contemplative ; et il profitait de ces instants gagnés sur le sommeil pour se livrer à la méditation et promener son œil divin sur l’ensemble de l’univers. En temps voulu il s’habillait pour sortir, prenait en main sa sébile et, tout comme le dernier de ses moines, allait quêter sa nourriture : on se souvient du scandale que, ce faisant, il souleva dans sa ville natale. Rentré au monastère, il lavait la poussière de ses pieds nus, procédait avant midi à son unique repas de la journée, et, en attendant que les membres présents de sa congrégation en eussent fait autant, s’installait sur le seuil de sa cellule. C’était le moment de la journée réservé à ses « fils » spirituels, à leur exhortation, à leur instruction, à la direction de leurs consciences ; et à ceux d’entre eux qui le lui demandaient il donnait un sujet de méditation approprié à leurs dispositions et à leurs besoins, à commencer par les dix objets de dégoût dans le cadavre et les trente-deux impuretés du corps pour finir par des thèmes de plus en plus relevés et abstraits ; car c’était là l’exercice religieux par excellence[2]. Après quoi chacun des bhikshou se retirait à l’écart pour passer à sa convenance les heures chaudes du jour, le plus souvent assis au pied d’un arbre dans une demi-somnolence ; et, à en croire les textes, c’est alors que venait le plus volontiers rôder autour d’eux ce « démon de l’après-midi », redouté aussi de nos moines. Le Bouddha lui-même, « couché sur son côté droit comme un lion », faisait aussi ce que nous appelons la sieste ou la méridienne[3] : mais il est bien stipulé que dans son cas il ne s’agissait que d’un état intermédiaire entre la veille et le sommeil et qui, loin d’entraîner une perte totale de conscience, n’interrompait même pas le cours de la pensée. Quand le soleil commençait à décliner et la température à se rafraîchir, c’était l’heure de l’audience publique, ouverte à tout venant, et où affluaient fidèles ou simples curieux. Celle-ci levée, le Bouddha prenait son bain et un instant de repos ; puis dans l’ermitage retombé au calme et au silence, le reste de la soirée appartenait de nouveau aux disciples, et les instructions ou conversations édifiantes se prolongeaient fort avant dans la première veille de la nuit.

On nous permettra de ne pas suivre plus loin les affirmations du pieux commentateur. Trouvant apparemment que la journée de son Maître n’est pas encore assez remplie, il lui fait consacrer la seconde veille de la nuit à la réception des divinités et partager la troisième entre une promenade hygiénique, un court repos éveillé, puis la méditation et la contemplation matinales. Moins impitoyables que le bon moine, nous accorderons au Bouddha quelques heures de sommeil. D’autre part il nous faut signaler dans son emploi du temps l’intervention éventuelle d’une importante

  1. Sumangala-vilasinî (cf. BT p. 91 s. et Vie p. 187 s.).
  2. V. la liste des 40 « sujets de méditation » (dhyâna-sthâna) dans DhPC, I p. 2.
  3. C’est la yoga-nidrâ des yogin pendant leurs longues séances d’immobilité.