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CONCLUSIONS

Dès le début de notre étude nous avons averti le lecteur que, d’après les idées indiennes, la biographie du « Grand être » qui, dans sa dernière existence terrestre, la seule qui soit pour nous historique, devait devenir le Bouddha Çâkya-mouni, n’avait pas de commencement (ou du moins que le commencement s’en perdait dans un insondable passé), mais qu’en revanche elle avait la plus définitive des fins, celle-là même que l’on vient de nous décrire. Le Bouddha est mort, car il n’était après tout qu’un homme et tous les hommes sont mortels. Il est mort en plein air comme il était né et comme il a le plus souvent vécu au cours de sa longue carrière, depuis sa « Sortie de la maison ». Il est mort de maladie, dans un âge avancé, soigné par ses disciples et entouré de la vénération publique. Il n’a pas péri plus ou moins légalement assassiné, victime de l’imbécile cruauté de son milieu, ainsi qu’il est arrivé à Socrate, à Jésus et à Mânî : l’Inde ancienne, et c’est son honneur, ne tuait pas ses sages et ses prophètes. L’absence de l’auréole du martyre ne semble d’ailleurs pas avoir amoindri son prestige aux yeux des Asiatiques : dans notre Occident, toujours assoiffé du sang des sacrifices, il en eût peut-être été autrement. Tout s’est donc passé jusqu’au bout le plus décemment du monde : mais en revanche les vieilles Écritures nous demandent de bien comprendre que le Bouddha est mort sans retour. Loin d’attendre de lui aucune résurrection, l’opinion orthodoxe de son église ne croit même pas à sa survie : elle professe qu’il est à tout jamais « éteint » et désormais devenu sourd à toute prière. Chacun peut, s’il lui convient, à l’instar de ses millions de fidèles, l’admirer pour ses perfections, le louer pour ses vertus et l’aimer pour sa bienveillance ; mais il n’y a plus à compter sur aucune assistance directe de sa part. Ainsi qu’il est écrit dans la brochure de propagande à l’usage des Indo-Grecs que fut la version originale du Milinda-pañha, « il ne subsiste plus que sous les espèces de sa Loi ».

Mais si le plus impénétrable des rideaux de fer vient de s’abaisser définitivement sur le dénoûment de sa vie, le silence ne tombe pas en même temps sur lui. Près de deux mille cinq cents ans ont passé depuis lors et sa mémoire ne semble nullement vouée à l’oubli. Apparemment, tant que durera la douleur du monde — et elle durera autant que le monde — on se souviendra du grand médecin des âmes qui jadis dans l’Inde a consacré sa