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Bouddha merveilles sur merveilles, elle n’a jamais osé le faire naître autrement que de Mâyâ.

VII. La naissance[1]. — Après une conception et une gestation aussi surnaturelles, l’accouchement, sous peine de détonner piteusement dans cet enchaînement de prodiges, ne pourra qu’être supposé anormal. Qu’il l’ait été en fait, — comme ce fut, par exemple, le cas pour Jules César — on ne nous donne aucune raison plausible de le croire. Le point indubitable est que le futur Câkya-mouni est né et nous croyons même savoir où. Tous les textes sont d’accord pour placer le lieu de sa naissance au voisinage de Kapilavastou, dans le parc de Loumbinî, aujourd’hui Roummindêï[2], en plein Téraï népalais. La localisation du site est certaine, grâce au fait que l’empereur Açoka, devenu un ardent zélateur de la Bonne-Loi, s’y est rendu en pèlerinage vers 244 avant notre ère et y a fait dresser en guise de poteau indicateur une de ses fameuses colonnes monolithes. Quand huit cent quatre-vingts ans plus tard le pèlerin chinois Hiuan-tsang a visité à son tour cette place sainte, devenue dans l’intervalle à peu près déserte, ses guides ne manquèrent pas de le conduire devant cette même colonne : il la trouva déjà brisée et fendue par la foudre qui avait jeté bas son chapiteau avec la figure de cheval qui le surmontait. Depuis lors ce débris même a disparu et la djangle fiévreuse, où l’on ne circule plus de nos jours qu’à dos d’éléphant, a achevé d’ensevelir aussi bien le parc que les ruines de la ville : toutefois le tronçon mutilé de la colonne dépasse encore du sol et une fouille sommaire permit au Dr Führer, en décembre 1896, de remettre au jour l’inscription qu’Açoka avait fait graver sur son fût pour le bénéfice de la postérité la plus reculée. On y lit dans la plus claire des écritures : « Par Sa Gracieuse Majesté le Favori-des-dieux, venu en personne, vingt ans après son sacre, (ce lieu) a été vénéré, disant : « Ici est né le Bouddha Câkya-mouni[3] »… Nous devons en croire sa royale parole : nous savons assez la persistance dans l’Inde et ailleurs des souvenirs attachés à des vestiges matériels, et quelques générations seulement séparaient Açoka de l’événement que, fort heureusement pour les historiens venus plus de deux mille ans après lui, sa dévotion a tenu à commémorer sur place.

L’un des détails particuliers qu’on nous a transmis au sujet de la Nativité deviendrait du même coup vraisemblable ; ce ne serait pas dans son palais de Kapilavastou, mais au cours d’une de ses promenades coutumières à son jardin de plaisance, que Mâyâ aurait été surprise par ce que, chez toute femme autre qu’elle, on appellerait les douleurs de l’enfantement. Mais à partir de ce moment la fiction légendaire reprend sa tâche, sinon ses droits. Tout d’abord les textes sont unanimes à vouloir que Mâyâ ait accouché debout, position aussi incommode qu’exceptionnelle. Ils sont aussi d’accord pour la faire, au moment décisif, se suspendre de la main droite à une branche d’arbre : c’est seulement

  1. Sur l’iconographie de la Nativité (Janma) du Buddha le lecteur est prié de se reporter aux planches du Memoir no 46 de l’ASI.
  2. Rummindei est situé en territoire népalais, à 5 milles anglais au N.-E. de Dulha dans le district de Basti.
  3. Açoka ajoute ensuite, autant que nous pouvons comprendre : « …Il a fait construire une (enceinte) de briques à coins de pierre et ériger une colonne de pierre, disant : Ici est né le Bienheureux. Il a fait le village de Lumminî exempt d’impôt et (autorisé à percevoir) une dîme du huitième (sur les revenus du pèlerinage) ».