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Page:Foucher de Careil - Hegel et Schopenhauer, 1862.djvu/278

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ARTHUR SCHOPENHAUER.

car il n’y a point de philosophie digne de ce nom sans une morale, — le dépouillement, l’immolation volontaire, le sacrifice enfin, cette loi terrible et fatale, envisagée dans toute sa primitive dureté et son inflexible nécessité, sans aucun ménagement, sans aucune des atténuations prudentes que le cours des âges, ou le besoin d’orthodoxie, a pu introduire dans sa forme ou dans son fond, tel enfin que le pratiquaient les ascètes les plus austères avec ses mystiques procédés et ses dogmes les plus farouches : voilà quelque image bien imparfaite de cette philosophie de la volonté, et du moins une esquisse de ce système original : Die Welt ah Wille und Vorstellung.

Il y a deux hémisphères confusément entrevus et dénommés par Platon, plus clairement aperçus mais encore assez mal délimités par Kant, et tellement séparés, que l'un ne peut rien nous dire, rien nous apprendre de l’autre. Ces deux sphères, que Platon appelle tantôt le paraître et l'être, tantôt l’être et le devenir, τό ἀεὶ ὄν, τό ἀεὶ γενόμενον, que Kant distingue par les mots de phénomène et de réalité, d’apparition et de chose en soi, ont presque toujours été confondues, et cette confusion a été la source d’erreurs et de méprises. Distinguer soigneusement ces deux mondes, leur assigner des limites précises, les dénommer clairement pour l’œil et pour l’oreille, voilà le premier devoir d’un philosophe, et voilà ce que Schopenhauer a fait