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Page:Fougeret de Monbron - Margot la ravaudeuse.djvu/143

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cepté pour lui-même. Il se croyoit un génie universel : il parloit de tout d’un ton absolu : il contredisoit éternellement, & malheur à qui l’auroit contredit : il vouloit qu’on l’écoutât, sans vouloir écouter personne. En un mot, le bourreau mettoit le pied sur la gorge aux gens raisonnables, & prétendoit être applaudi.

Ce qu’il fit de mieux en entrant chez moi, ce fut de réformer le mauvais gout que Mylord avoit introduit dans ma cuisine, & d’y substituer le luxe & la délicatesse des repas financiers. J’avois soir & matin une table de huit couverts, dont six étoient réguliérement occupés par des Poëtes, des Peintres & des Musiciens, lesquels pour l’interêt de leur ventre, prodiguoient en esclaves leur encens mercenaire à mon Crésus. Ma maison étoit un tribunal, où l’on jugeoit aussi souverainement les talens & les arts, que dans la gargote littéraire de Madame T… Tous les bons Auteurs y étoient mis en piéces