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DESCARTES.

qu’elle appartient au genre des corps pesants, c’est parce que le tourbillon de l’éther, animé d’une énorme vitesse centrifuge, ne peut pas ne pas repousser la pierre vers le centre. Si un homme meurt, ce n’est pas parce qu’il fait partie des animaux mortels, mais parce que « le feu sans lumière » qui entretient le mouvement de sa machine corporelle ne peut pas ne pas être éteint par des mouvements adverses. Expliquer, dans les sciences de la nature, c’est trouver la combinaison nécessaire de mouvements qui aboutit à tel mouvement actuel.

La philosophie antique et scolastique se perdait dans la considération des « choses » et de leurs « accidents ». Mais qu’est-ce qu’une chose ? Il n’y a, dans la nature extérieure, aucune « chose » qui soit vraiment séparée du reste, rien qui possède une unité propre et inhérente : chaque ensemble de mouvements que nous appelons une pierre, un arbre ou même un animal, et que nous individualisons, n’est, au point de vue physique, qu’une partie inséparable d’un ensemble de mouvements plus vaste, qui l’englobe ; et cet ensemble, à son tour, renferme d’autres mouvements et d’autres encore, à l’infini, puisque l’étendue est indéfiniment divisible et même indéfiniment divisée par le mouvement qui anime chacune de ses parties. C’est un tourbillon de tourbillons où le regard se perd, comme à compter, dans un gouffre d’eau tournante, les gouttes d’eau qui passent, reviennent, passent. Une chose, dans la nature, n’est donc qu’une portion de la quantité uni-