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DESCARTES.

lumière pour venir jusqu’à nos yeux ne prouve pas l’existence du vide, comme le croient beaucoup de savants à notre époque.

On a objecté, en second lieu, au mécanisme cartésien l’élasticité de la matière. C’est l’objection capitale de Leibniz, reprise de nos jours par MM. Renouvier et Ravaisson, par Lange et beaucoup d’autres. On veut voir dans l’élasticité la preuve d’une force inhérente à la matière ; mais, au point de vue cartésien, l’élasticité ne peut pas plus être une qualité primordiale que la pesanteur. L’idée d’atome dur et indivisible serait sans doute incompatible avec celle d’élasticité ; car celle-ci suppose une molécule composée dont les différentes parties, sous le choc d’un corps extérieur, se déplacent en se comprimant, puis reprennent leur position en rendant l’impulsion qu’elles ont reçue. Mais Descartes n’admet pas d’atome : toute particule de matière est pour lui composée ; il n’y a donc aucune molécule qui ne puisse avoir de l’espace pour se comprimer et rebondir. Seulement, ici encore, il faut que le mouvement qui cause l’élasticité soit un tourbillon. Or les belles recherches de Poinsot sur les corps tournants expliquent comment des particules éthérées, sans être (comme le croyait Huygens) élastiques « par nature », peuvent cependant rebondir les unes sur les autres et produire les effets apparents de l’élasticité : un corps non élastique peut, s’il tourne, être renvoyé par un obstacle, tout comme un corps doué d’élasticité ; il a même souvent, après le choc, une