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l’idée de la vie sociale

et si votre pensée succombe, votre loyauté devra se réjouir de sa défaite… Vous aimerez la paix comme un moyen de guerres nouvelles, et la courte paix mieux que la longue… Je ne vous conseille pas le travail, je ne vous conseille pas la paix, mais la victoire, Que votre travail soit un combat, votre paix une victoire… Une bonne cause, dites-vous, sanctifie la guerre, et moi je vous dis : une bonne guerre sanctifie toute cause.[1]. » La guerre est donc bienfaisante pour l’humanité, bonne en elle-même ; aussi Nietzsche prédit-il que nous allons entrer dans une période de grandes guerres où les nations lutteront avec acharnement pour l’hégémonie du monde.

Pour lui, l’opposition à la lutte, la volonté d’union et de concorde, qui consiste à « s’abstenir réciproquement de froissements, de violences, d’exploitations, à coordonner sa volonté avec celle des autres, ne peut être ni le principe fondamental de la société, ni sa vraie loi. Si on la change en principe, elle se montre aussitôt, dit-il, ce qu’elle est réellement : « Volonté de négation de la vie, principe de dissolution et de déclin »[2]. La vie elle-même, en effet, nous l’avons vu, est « essentiellement appropriation, agression, assujettissement de ce qui est étranger et plus faible, oppression, dureté, imposition de ses propres formes, incorporation et, tout, au moins, dans le cas le plus doux, exploitation ». « Tout fait accompli dans le monde organique est intimement lié aux idées de subjuguer, de dominer[3]. » Il en est de même dans le monde social. — On ne voit pas cependant, répondrons-nous, dans le domaine organique, que la respiration soit une domination, que le mouvement spontané de l’enfant qui joue soit une domination. On ne voit pas non plus que la génération soit une exploitation. Nietzsche fait de la faim l’unique moteur et oublie l’autre face de la vie

  1. Also sprach Zarathustra, seite 67.
  2. Par delà le Bien et le Mal, trad. fr., p. 217.
  3. Généalogie de la morale, § 12.