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Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/271

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conclusion

Ailleurs, Nietzsche se représente comme le grand esprit sceptique où est venu se condenser le travail destructeur des siècles. « Qu’on ne se laisse point abuser, ajoute-t-il, tous les grands esprits sont des sceptiques. Zarathoustra est un sceptique. » La foi, au contraire, constitue l’épine dorsale de l’homme à convictions : — « Ne pas voir beaucoup de choses, n’être sur aucun point impartial…, voilà les conditions qui seules permettent à cette classe d’hommes de subsister. » Les lois pathologiques inhérentes à leur optique spéciale font d’eux « des fanatiques, — Savonarole, Luther, Rousseau, Robespierre, Saint-Simon, — c’est-à-dire l’antipode de l’esprit vigoureux et affranchi. » Les belles attitudes de ces esprits malades, de ces « épileptiques de l’intellect », font impression sur la grande masse : les fanatiques sont pittoresques, or, l’humanité aime mieux voir des gestes que d’écouter des raisons. » Ainsi parle Nietzsche dans l’Antéchrist, un livre où la passion atteint son paroxysme, et comme c’est la passion au services d’idées, ne peut-on l’appeler aussi une conviction et une foi ? Ce Zarathoustra qui se croit sceptique est un des plus grands croyants de notre époque ; loin d’être impartial, que de choses, lui aussi, il veut « ne pas voir ! » A-t-il vraiment vu ce qu’il y a de bon dans la morale (fût-elle inconsciente et spontanée), ce qu’il y a de bon dans le christianisme ? Les injures que sa foi nouvelle lance en anathèmes contre l’ancienne foi ne permettent-elles pas d’appeler Zarathoustra lui-même un épileptique de l’intellect et de la passion ? Nous l’avons vu établir une « équivalence complète entre le chrétien et l’anarchiste » : tous deux n’ont « d’autre but, d’autre instinct que la destruction… Christianisme et alcool, les deux plus grands agents de corruption… Je condamne le christianisme… J’appelle le christianisme la grande malédiction, la grande corruption intime, le grand Instinct de vengeance pour qui il n’est point de moyen assez venimeux, caché, souterrain, petit, — je l’appelle l’immortel stigmate d’opprobre de l’Humanité. » On a voulu expliquer